ALGER le 3, le 4 et le 5 mai 2000, sur le thème
"Liberté de la presse et responsabilité des journalistes"
MESSAGES
- Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'OIF
- Eldred Savoie, vice-président international de l'UIJPLF pour l'Amérique du Nord.
- André Buyse, vice-président UIJPLF Belgique
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Message de M. BOUTROS BOUTROS-GHALI, secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, à l'ouverture des 4èmes Journées de la presse arabe francophone, lu à Alger, le 3 mai 2000, par M. Jean-Jacques de DARDEL, ambassadeur de Suisse en Algérie, représentant de M. Boutros-Ghali.
M. le ministre de la Communication et de la Culture,
M. le secrétaire général international de l'UIJPLF,
Mmes et M. les journalistes,
mes chers amis,
C'est pour moi un grand honneur et un réel plaisir de saluer, l'ouverture, aujourd'hui, à Alger, des 4èmes Journées de la presse arabe francophone.
Un évènement dont je me réjouis, d'abord, à titre personnel, en tant que militant de la première heure pour l'indépendance de l'Algérie, pays cher à mon coeur. Et je veux dire, ici, que l'Algérie reste associée, dans mon esprit, à toute les périodes marquantes de mon existence.
Qu'il s'agisse, en 1946, des premiers écrits d'un jeune étudiant farouchement partisan de l'indépendance, ou plus tard de mes activités au sein du bureau du Maghreb, au Caire, plus tard encore en tant que secrétaire général des Nations Unies. Les liens affectifs qui me lient à ce grand pays n'ont fait que se renforcer avec le temps.
Et vous me permettrez de saisir cette occasion pour adresser mes pensées les plus respectueuses et les plus chaleureuses à son excellence le président Abdelaziz Bouteflika.
Mais je voudrais aussi saluer à plusieurs titres l'évènement d'importance qui va se dérouler à Alger. En tant que membre du Monde arabe, bien sûr, en tant qu'ancien journaliste, aussi, et en tant que secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie.
J'y vois un symbole fort pour la démocratie et la liberté, et le choix même du thème de ces journées - liberté de la presse et responsabilité du journaliste - est déjà un témoignage de l'engagement de l'Algérie pour faire progresser ces valeurs universelles qui sont, aussi, au coeur du projet francophone.
Que tous ceux qui ont contribué à l'organisation de ces journées soient donc remerciés. Qu'il s'agisse de l'UIJPLF, et de sa section algérienne, mais aussi du Syndicat national des journalistes et du Centre d'Alger de la Fédération internationale des journalistes.
Permettez-moi enfin de m'adresser à tous les journalistes présents, ici, aujourd'hui.
C'est à travers vous en effet, que je souhaiterais rendre hommage au courage de toutes celles et de tous ceux qui, au nom de la liberté d'expression, de la liberté d'opinion et de la dignité humaine, ont voulu faire entendre leur voix et délivrer l'information, au prix de leur propre liberté et, bien trop souvent, de leur vie.
Je veux saluer aussi la pensée profondément humaniste de toutes celles et de tous ceux qui, inlassablement, jour après jour, contribuent à construire une société plus démocratique, plus juste et plus libre.
Car nous sommes bien conscients que ce droit fondamental qu'est la liberté d'expression et d'opinion conditionne, à des degrés divers, la réalisation de tous les autres droits. Qu'il s'agisse des droits économiques, sociaux, culturels, du droit au développement ou des droits de l'homme.
Et je tiens à réaffirmer, ici, toute l'importance du rôle des organisations non gouvernementales, particulièrement de celles qui représentent les professionnels de l'information dans la promotion et la défense de ces droits.
D'abord parce que le combat pour la diffusion d'une culture de la démocratie, des droits de l'homme et de la paix est un impératif catégorique de notre communauté.
Et la Francophonie, pour marquer tout l'intérêt qu'elle porte à la question de la liberté d'opinion et d'expression, a mis en place un Fonds de soutien à la presse écrite francophone, ainsi qu'un programme d'implantation de radios rurales afin de favoriser une information libre et pluraliste.
Il s'agit là d'un enjeu tout à la fois social, démocratique, mais aussi culturel.
D'abord, parce qu'au moment où la communication est devenue mondiale, je suis convaincu que la société de l'information n'aura de légitimité que si tous, partout, y ont accès dans les mêmes conditions, que si tous, partout, ont la liberté d'expression.
Ensuite, parce que nous voyons bien que se profile la menace d'une uniformisation des langues, des pensées, des cultures.
Or, vous savez mieux que quiconque que le monde entier ne peut se refléter, ni se reconnaître dans le même miroir, soit-il le plus puissant des médias.
Et c'est d'abord cette diversité des regards, des perceptions que nous devons à tout prix préserver. Parce qu'à travers ces images, ces écrits, ces paroles, ce sont des traditions, des cultures, des valeurs qui s'expriment dans toute la richesse de leur diversité.
Dans cette perspective, j'ai la conviction que la Francophonie a un rôle d'entraînement à jouer.
Elle peut et elle doit, en effet, concourir, au côté des autres grandes aires linguistiques, à opposer le modèle démocratique de la diversité culturelle et linguistique à la dictature d'une langue unique, d'une culture unique, d'une pensée unique.
Tel sera d'ailleurs, le fil directeur d'un grand colloque organisé conjointement avec la Ligue des Etats arabes, à Paris, les 30 et 31 mai prochains, sur le thème "Monde arabe et Francophonie".
Car la Francophonie, telle que je la conçois, ne se réduit pas à un combat pour la défense de la langue française. Elle est plus largement, un combat pour le respect de la diversité culturelle et linguistique.
Un combat pour que toutes les langues et toutes les cultures puissent continuer à s'exprimer et à s'épanouir en toute indépendance et en toute liberté.
Un combat enfin pour promouvoir le dialogue des cultures sur le chemin de la paix. Ce dialogue des cultures qui sera au coeur du IXème Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, en 2001, à Beyrouth, première capitale arabe à accueillir un Sommet de la Francophonie.
Voilà, Mesdames, Messieurs, ce que je voulais vous dire, aujourd'hui. mais j'aimerais, si vous le permettez, clore ce message, comme je l'ai commencé. Sur une note plus personnelle. Pour vous dire que mon voeu le plus cher serait de voir l'Algérie au service de la diversité culturelle planétaire.
Vive l'Algérie !
Boutros Boutros-Ghali
secrétaire général
de l'Organisation internationale de la Francophonie.
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Message de M. Eldred SAVOIE, vice-président de l'UIJPLF pour l'Amérique du Nord, aux journalistes participants aux 4èmes Journées de la presse arabe francophone à Alger, du 3 au 5 mai 2000.
A l'occasion des 4èmes Journées de la presse arabe francophone les 3, 4, 5 mai, à Alger, je veux vous transmettre mes meilleurs voeux de succès, à vous, au SNJ, à la FIJ, aux organisateurs et aux participants. Je sais quel effort il faut mettre dans la préparation de telles manifestations et je vous en félicite !
Le thème audacieux de "liberté de la presse et responsabilité du journaliste" nous ramène aux fondements de notre noble métier. Que ce thème - d'actualité partout et toujours - soit l'objet de votre réflexion, le jour où le monde célèbre la liberté de la presse, voilà qui fait de vos journées un messager symbolique dans un pays et une région qui ont souvent mis à l'épreuve cette liberté par l'étouffement des opinions, voire des journalistes eux-mêmes.
Comme un jet de lumière qui interpelle les institutions et les pays du monde, ces Journées invitent à prendre acte du sérieux de l'Algérie et des pays de l'Afrique du Nord à prendre part aux grands développements médiatiques qui animent toute la civilisation moderne.
Aux journalistes d'Algérie, j'exprime les amitiés de vos collègues de l'Amérique du Nord, et en particulier du Canada. J'avais attendu, hélas en vain, de faire connaissance avec les journalistes du pays qui a vu naître l'auteur de "L'Etranger", le grand "francophone" Albert Camus, à l'occasion de nos 31èmes assises de la presse francophone, à Moncton, en août dernier. Et je ne peux que regretter l'occasion ratée.
Malheureusement, des obligations me retiennent au Canada, mais mes pensées vous accompagnent pendant vos assises. Du choc des idées, naîtra la sagesse. Puisse le partage des idées, des opinions, se faire en toute liberté, dans l'esprit d'ouverture qui existe depuis les Grecs et sur lequel reposent nos démocraties.
Vive la liberté de la presse ! Vive l'UIJPLF !
Eldred Savoie
vice-président de l'UIJPLF pour l'Amérique du Nord.
Moncton, 26 avril 2000.
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Message de M. André BUYSE, vice-président de la section UIJPLF Belgique, aux journalistes participants aux Journées arabes francophones
Rentré de mission en Algérie au milieu du mois d'avril dernier et empêché d'être des vôtres au cours de ces journées de la presse arabe francophone organisées par l'UIJPLF à Alger, l'année même où la grande métropole d'Afrique du Nord célèbre son millénaire, je souhaite attirer, par ce message, l'attention des participants venus de différents pays arabes sur l'extraordinaire exemple de courage, de ténacité, de rigueur et de créativité des confrères journalistes algériens pour en arriver, après une décennie de désordre, de confusion et de vaches maigres, à la situation qui est aujourd'hui la leur et qui constitue un cas exemplaire de renouveau journalistique dans cette partie du monde : l'émergence d'une presse pluraliste, démocratique, libre, combattive, audacieuse, généreuse dans ses idéaux et, ce qui n'est pas le moindre, caractérisée par un grand professionalisme. Ces qualités remarquables sont, en outre, le fait d'une presse qui est pour une part non négligeable, d'expression française.
Les titres de la presse francophone algérienne sont nombreux et reflètent souvent eux-mêmes un programme, un idéal, une ligne de conduite, adoptés en dépit des nombreux obstacles, notamment financiers et matériels, qui subsistent sur sa route. Ils illustrent, en tout état de cause, une très grande vitalité et la sublimation d'un combat pour la liberté d'expression, qui a acquis -de haute lutte- ses lettres de noblesse.
Cette volonté ferme de maintenir la liberté d'expression, ce choix de la démocratie -qui est parfois aussi celui de l'impertinence, celui de l'usage des "mots interdits"-, est affirmée avec clarté en dépit de la survivance de forces ou de courants prônant ou favorisant l'autoritarisme, la censure larvée ou l'autocensure servile, voire le retour à l'obscurantisme. Elle est affirmée aussi malgré les entraves indirectes que continue à connaître la presse algérienne, notamment sur le plan logistique : les journalistes algériens n'en ont que plus de mérite et leur attitude peut constituer, un encouragement précieux aux autres confrères animés, dans le monde arabe tout entier, de la même détermination à promouvoir les valeurs de liberté, de démocratie et de professionalisme journalistique.
Le fait de surcroît que cet élan, en Algérie, soit en grande partie celui de la presse d'expression française est lui aussi significatif de la liberté de ton que permet, aux antipodes de tout esprit d'allégeance ou de flatterie, l'usage de la langue de Voltaire, de la langue des idéaux révolutionnaires... qui est aussi celle de quelques uns parmi les grands écrivains arabes contemporains. Il illustre, enfin, la libération intérieure intrinsèque de tant de journalistes arabes francophones qui, comme en Algérie, sont conscients que l'expression des idées et des faits en français est, au-delà des mesquineries politiques et des régionalismes ethniques, l'un des vecteurs les plus efficaces des idées de liberté, d'universalité, d'indépendance et d'authenticité.
Je souhaite le plus grand succès à ces Quatrièmes Journées de la presse arabe francophone de l'UIJPLF à Alger.
André Buyse
vice-président de la section belge de l'UIJPLF